Si je vous dis : la plus belle falaise de France ? Vous me répondez : Céüse bien sûr ! Et vous avez raison.

Céüse, ce sont 4km de falaise entre 30 et 130m, ce sont des centaines de longueurs entre 5 et 9a+. Céüse, c'est de l'escalade sur réglettes et trous de toutes tailles, c'est des points espacés à la limite du raisonnable. Céüse, c'est aussi Biographie, l'une des lignes les plus dures du monde et un temple mondial du haut niveau. Céüse, c'est une marche d'approche aussi longue que raide. Céüse, c'est tout simplement la reine des falaises de France...



Dans une vie de grimpeur, Céüse est un pèlerinage obligatoire, au même titre que le Verdon. Pire qu'un pèlerinage, c'est un chemin de croix ! Comment ne pas penser au calvaire du Christ portant la croix sur laquelle il sera crucifié lorsque, la langue trainant au sol, nous portions nous-mêmes les cordes sur lesquelles nous allions pendre aux clous quelques minutes plus tard...

C'est donc plein de foi que nous partons du camping des Guérins. Mais si la foi transporte des montagnes, elle ne montre pas toujours le bon chemin ! C'est donc en version tout droit dans la cambrousse (heureusement plutôt praticable) que nous enquillons la première partie de la montée... Bucolique. C'est à force de motivation et d'excitation que nous arrivons au pied de la falaise.

Après avoir respecté la minute de silence (plus pour reprendre notre souffle que pour prier) nous pouvons lever les yeux et nous ébahir. Nous sommes sous le secteur Berlin, devant la voie du même nom. Devant nous, un mur gris aux coulées bleues et jaunes (comme tous les murs de la falaise), déversant juste ce qu'il faut dans un long bombé. Un calcaire si compact que ça en donne froid dans le dos. Heureusement, la falaise est criblée de trous, plutôt petits et peu profonds pour ce secteur, mais bien présents tout de même et proposant une préhension quasi unique : la réglette. Des grosses plates, des petites crochetantes, des moyennes fuyantes, et même quelques bacs...

Après une chauffe déjà bien efficace dans les voies en 6 à droite du secteur, dont Zagreb, grande classique (et grande patine) en 6c, nous attaquons Berlin, 7c, la voie typique du secteur. Si l'escalade transcende au début, pour ma part, elle m'a aussi assez vite fatigué (dans les 2 sens du terme) par son manque de diversité. Beaucoup de voies se ressemblent et répètent inlassablement les mêmes mouvements.

Ainsi, conti, courage et confiance sont les 3 grandes qualités nécessaires pour bien grimper à Céüse. Pour résumer, c'est long et ça engage, et il m'aura fallu les 4 jours pour arriver à gérer ces deux paramètres qui ne sont pas vraiment les points forts des gens qui passent leurs week-ends à Annot... Entre temps, nous aurons tout de même essayé des voies splendides et mythiques du secteur telles que la très engagée Blocage violent, Queue de rat, 7b+ ou La chose, 7c.

A l'extrême gauche de la falaise (ou presque), on trouve le secteur Cascade, à l'ombre le matin, grand luxe par temps ensoleillé en cette période. Ici, le dévers est nettement plus prononcé. La nature faisant bien les choses, la taille des trous aussi ! Les réglettes laissent la place aux gros bacs. Certains trous sont si grands qu'on peut y entrer en entier ! Cascade, c'est synonyme de brassage de grands mouvs... avec des classiques telles que Médecine douce, 6c+ ou Super Myckey, 7b, Vagabond d'occident et Blanches fesses, 7c. Et toujours la même constante : conti et engagement. Les lignes ont encore plus d'ampleur qu'à Berlin (souvent 30m) et les contrastes des coulées sont magnifiques.

Rien que ces deux secteurs proposent suffisamment de voies entre 7a et 8a pour nous occuper pendant quelques années. Pour les très forts, les secteurs Face de rat et Biographie concentrent l'essentiel des voies extrêmes. Pour les moins forts ou moins acharnés, les secteurs Thorgal à droite de cascade et Demi-lune à droite de Biographie proposent bon nombre de voies dans le 6. Plus loin sur la droite encore, le secteur Un pont sur l'infini permet de grimper dans le 7a 7b, loin de la foule des secteurs prisés.

Dans le désordre et de manière non exhaustive, nous avons essayé Changement de look, un 7b+ résolument rési, Lapinerie, 7b facile et amusant, Harley Davidson, 6b+ carrément pas donné, Saint Georges Pecos et ses préhensions incroyables, 7a, San Johns Pecos et sa coulée bleue, 7b+, et la magnifique Bibendum, 7b+ de 35m où le mot bac prend tout son sens...

Voilà pour le petit tour d'horizon. Céüse est une falaise à découvrir absolument, avant tout pour sa beauté qui à elle seule mérite l'effort de la marche. Le mur domine la large vallée de la Durance et offre un paysage splendide et apaisant par son calme. Certes, la patine s'est installée dans les longueurs classiques et les secteurs fréquentés où on peut se marcher dessus aux heures de pointe. Malgré tout, la dimension de la falaise est tellement énorme qu'on peut sans problème grimper au calme tout la journée. L'équipement a été fait de façon intelligente et les lignes sont espacées. Pas de connexions, peu de prises taillées. Pour le niçois peu habitué au style du coin, la tendance n'est pas à la surcote. Ca rouste ! Si le style conti à bras est prédominant dans les secteurs durs, on trouve toutes les inclinaisons à Céüse, du bon toit à la pire dallouse bien technique. En revanche, court à Céüse signifie au moins 20m et long jusqu'à 70m...

Bref, chacun peut trouver son compte une fois le pied de la falaise atteint. Certains plus facilement que d'autres mais il est impossible de ne pas aimer !

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